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Cela faisait près de trois ans que je n'avais pris un bain. Je n'aime pas vraiment ça. Je m'ennuie.

Mais aujourd'hui, j'ai redécouvert cet instant de détente.

En réalité c'est comme une sorte de mort. Comme si on se donnait la mort.

On attend nu que l'eau nous recouvre.

On a rien pour nous cacher, on est face à ce que l'on est vraiment, on est face à notre imperfection. On est si fragile et on se regarde attentivement comme si on découvrait quelque chose. On regarde notre corps, on l'aime ou on ne l'aime pas. N'importe quelle cicatrice, n'importe quel bouton, n'importe quel bourlet nous rappelle un souvenir, un regret, un remord.

Et on attend là, on ne sait pas trop pourquoi, mais le temps semble suspendu, comme inexistant. Et petit à petit l'eau vient ensevelir notre corps inactif. La chaleur nous étouffe, nous prive d'oxygène, retient notre souffle. On croit que plus rien n'existe autour de nous, que tout disparait. Plus rien n'a de l'importance comme si tout était fini.

On regarde notre corps se métarmophosait. On tripote nos doigts fripés. On se décompose calmement, sans montrer la moindre résistance.

Et puis nos pensées nous rattrapent. On vide notre baignoire et on regarde cette eau s'échappait vers quelque part d'inconnu. Les reflets de lumière qui dansent nous captivent et le tourbillon nous fait tourner la tête. On sent l'eau qui descend sur nos pieds, lentement, très lentement.

 Je ne peux m'empêcher de me demander que si on trouve du plaisir dans cet instant n'est-ce pas parce que cela ressemble étrangement à la mort. Effectivement, le temps n'existe plus. On est ailleurs. On est nous. On ne pense plus.

Si je devais un jour me donner la mort, je souhaiterais le faire dans mon bain. Je ne pourrais plus me dérober, je serais obliger de me regarder en face, de voir mon corps, d'être responsable devant ma conscience. Le temps serait suspendu, le silence serait d'or, et moi je serais morte.