posté le 02-04-2008 à 22:46:32
Prendre le train en marche
Une petite fille sans défense à la gare. Un train bondé de gens heureux, paisibles et tellement beaux. Un train qu'il faut prendre et une petite fille qui le regarde envieuse.
Mais le train paraît si grand à côté d'elle. Le train fait beaucoup de bruit et remplit tout l'espace sonore. Cette fille reste sur le quai à regarder les voyageurs. Elle pleure parce qu'elle a tellement de rêves qu'une seule vie ne suffirait pas. Elle a peur parce qu'elle n'est pas devenue aussi belle que l'un de ces voyageurs. Elle croit, à tort, qu'elle ne mérite pas de monter dans le train, qu'elle ne serait pas capable d'en profiter aussi bien qu'eux.
Mais le temps s'écoule contre son gré. Elle voudrait maîtriser ce temps. Le ralentir, l'accélérer, l'arrêter mais aussi revenir en arrière. Mais le train démarre, sans elle.
Apeurée et impuissante, elle voudrait prendre le prochain mais une fois de plus, la boule au ventre, elle le regarde partir au loin.
Ses rêves ne sont plus que regrets.
Si ces voyageurs sont beaux, c'est parce qu'ils sont dans le train ? Sont-ils rayonnants parce qu'ils vont essayer de réaliser leurs rêves, parce qu'ils sont audacieux et confiants ? Cette petite fille a-t-elle tort de rester sur le quai ? Elle voudrait tellement tenter sa chance, devenir comme eux : beaux, rayonnants, heureux, paisibles et confiants. Mais cette peur la detruit intérieurement. Elle l'empêche d'aller au-delà de son enfance. Elle pleure, ses yeux sont si tristes à regarder. Le pire pour elle c'est qu'elle a conscience du train qui part et de ses rêves qui s'envolent. Elle voudrait tellement le prendre mais elle croit ne pas mériter son bonheur. Et si elle le prend, elle croit qu'une autre personne à sa place aurait pu réaliser encore plus. Elle se sent faible, moche, petite mais aussi vieille. Oui, vieille. Ce temps, qu'elle ne peut pas contrôler, transforme les rêves en regrets... ... ... ...
On a sûrement tous été à la place de cette petite fille. Mais il y a des gens pour qui cette détresse dure et qui ont besoin de prendre le train en marche. Malheureusement, les premières fois, ils vont tomber, se casser une jambe ou un bras, ils vont désespérer puis réessayer. Mais enfin, une main chaude, grande mais douce, vous rattrape et vous hisse à ses côtés. Et là on pleure. Oui on pleure toutes les larmes de son corps. On a eu peur. Mais à quel point on se sent soulagé ? Toute cette détresse, toutes ces peurs et ses angoisses glissent le long de nos joues et tombent sur le quai. Et nous, on est loin devant, dans le train, prêt à affronter nos rêves.